Personnage essentiel de la scène jazz de San Francisco, Larry Ochs est le cofondateur du ROVA SAXOPHONE QUARTET ainsi que le fidèle compagnon d’Henry Kaiser, Chris Brown, Lisle Ellis, Donald Robinson et du regretté Glenn Spearman. Quasi inconnu en France (le nouveau dictionnaire du jazz l’ignore totalement), l’actualité discographique nous permet de mieux cerner son attachante personnalité.
JONES JONES
JUST JUSTICE
Larry Ochs : ts-sps / Mark Dresser : b / Vladimir Tarasov : dr-perc
ESP / Orkhêstra
Date de sortie : 08/10/2022
Après quelques enregistrements live, le trio Jones Jones (Larry Ochs, Mark Dresser, Vladimir Tarasov) entre en studio le 16 janvier 2020 –soit quelques jours à peine avant la crise du covid- et enregistre Just Justice. En huit improvisations collectives, nos trois amis flirtent avec le free jazz sans en accepter tous les codes. En ce sens, Jones Jones est plus proche d’une texture européenne que du blues, même rénové. Les matières sont ici copieuses, parfois en collision ou en contradiction mais toujours totalement libres de circuler sans visa ou passeport.
Nos trois vétérans (heureuse surprises de retrouver intact le fougueux druming de Tarasov) savent autant chérir les espaces (Bali Hai Jones) que les rétrécir (Call of the Jones), créer un balancier sonique avant de le désintégrer brutalement (Jones Is the Sonar Systems), jouer d’humeur de fantaisie, désengorger le jazz de ses obligations rythmiques (Jones Free Jones), faire acte d’une finesse exemplaire et infinie (The Further Adventures of Ms. Microtonal Jones), moduler le souffle en quasi-continu (And His Sister Called Him Jones).
Ainsi est Jones Jones, trio de vétérans à la jeunesse éternelle.
Larry OCHS / Donald ROBINSON Duo
A CIVIL RIGHT
Larry Ochs : ts-sps / Donald Robinson : dr
ESP / Orkhêstra
Date de sortie : 08/09/2022
Depuis longtemps connectés (Glenn Spearman, le trio What We Live) le saxophoniste Larry Ochs et le batteur Donald Robinson ne commettent, ici, aucun hors jeu, aucune faute de goût. Leur union, de celles qui durent donc, semble naturelle, spontanée. Pour l’un le rebond sur les peaux poussé jusqu’à son paroxysme, pour l’autre un souffle brisé, jamais dramatique et à deux doigts du souffle-hymne. Comme chez tonton Albert. Et, surtout, s’impose remarquable cette certitude de ne jamais se perdre ou se séparer et de toujours enrichir un vocabulaire en constante ébullition.
Si de premier abord les espaces-respirations s’assument plus ouvertement au sopranino (clarté du souffle, chaudes harmoniques), ils trouvent aussi place quand Larry retrouve son ténor. Ici, à chaque fois qu’apparait un rythme explicite, le phrasé se fait plus long, plus centré. Ici, si l’on pourra s’étonner en une occasion (A Civil Right) du dénuement rythmique du batteur ce n’est que pour mieux laisser page blanche au saxophoniste, page blanche conquise sans brutalité et avec une tendresse infinie. Soit un important chapitre de plus à apporter à la belle saga des duos saxophone-batterie.
Luc BOUQUET