Sélénites: One Kenichi dream. Editions Mazeto Square Enregistré, mixé et masterisé par Marc Siffert
« Gratte sèche » c’est parfois de cette manière que les musiciens désignent la guitare acoustique, qu’elle soit folk ou classique, à cordes métal ou nylon, et la relative douceur du son qui y est généralement associé dans l’imaginaire collectif contraste singulièrement avec la rugosité de ces deux mots.
Chez Raymond Boni, gratte sèche est un groupe nominal à prendre plutôt au sérieux ou en tout cas, au sens littéral, pour ce qu’il évoque de prime abord: aridité, frottements, raclements, ce qui ne va pas sans une certaine dose d’électricité.
Le duo qu’il forme avec le percussionniste Gilles Dalbis, incorpore ces données sensibles et convoque cette forme de minéralité et de tropisme cosmique que suggère le nom du projet, (au féminin, Sélénite désigne une roche; et au masculin, un habitant imaginaire de la lune).
Intitulé One Kenichi Dream, le dialogue des deux improvisateurs se déploie également dans une dimension onirique et narrative que soulignent certaines textures sonores, certains reliefs accidentés, certains espaces mouvants, étirés et ondulés, qui se succèdent comme des tableaux, ou s’entremêlent pour esquisser des formes abstraites pleines de fantaisie.
Raymond Boni a amené l’harmonica et quelques riffs de blues à la veillée. Et Gilles Dalbis, comme il le redit souvent, « est dans un état ». Pas forcément musical, c’est plutôt de la danse, des images, les tensions et guérisons, des choses profondément humaines. Ce duo improvise parce que c’est comme ça qu’on vit. Et leur grand songe de grands vivants nous persuade sans mal que la lune est peuplée de créatures aussi remuantes et facétieuses qu’ils le sont eux-mêmes..