Si la période Impulse d’Ornette Coleman demeure méconnue c’est en partie à cause de la brièveté de celle-ci et à la rareté de ses rééditions (un CD il y a quelques années mais passé quasi-inaperçu). Ezz-thetics qui remet à l’ordre du jour les grands moments discographiques de la new thing (peu d’inédits mais des enregistrements la plupart du temps remarquablement remastérisés) s’attaque donc à Ornette Made in Impulse.

Ornette at 12 capté live le 11 août 1968 nous permet de retrouver le drumming débordant -et singulier- du tout jeune Denardo Coleman. Dewey Redman pousse, lui, à l’extrême ses harmoniques étranglées. Le robuste et indestructible Charlie Haden assure le maintien du désordre avec autorité. Quant au leader, ici en majesté, il place et déplace ses mélodies acidulées avec une aisance rare. L’Ornette trompettiste et violoniste ne pouvait manquer à l’appel et ne se prive pas de désarçonner les puristes.

Enregistré quelques mois plus tard, toujours en public et avec le soutien de Don Cherry, Crisis joue sur le volcan d’un acte collectif (Broken Shadows). Beaucoup plus abouti que le disque précédent (certains pensent le contraire), Crisis fait la part belle aux mélodies et en subliment certaines (le Song for Che d’Haden notamment). Ailleurs, nos amis assument la zizanie collective (Space Jungle) et engendrent à travers Trouble in the East un magma torrentiel et crispant.

Cerise sur le gâteau : le 45 tours Man on the Moon nous permet de découvrir l’un des premiers adeptes des electronics. Il se nomme Emmanuel Ghent, il réside dans le même immeuble qu’Ornette et à l’issue de l’écoute de ce court thème se devine les futures convulsions du Prime Time. Une réédition nécessaire.

Luc BOUQUET