My Name Is
Le passage au troisième millénaire a été abondamment célébré, tout le monde se souvient des fastueuses manifestations sur les Champs-Elysées. Une création a été plus discrète, la naissance du label Ayler Records, en Suède, par deux amis : le passionné de jazz Jan Ström et le peintre Åke Bjurhamn.
Leur premier album, sorti le 1er juin 2000 : “Live at the Unity Temple” du Noah Howard Quartet, ne laisse aucun doute, la mission est de promouvoir la musique improvisée, dans ses débuts surtout le free jazz. Son catalogue, riche de cent quarante albums, a toujours gardé la ligne fondatrice artistique, en mettant à l’honneur des musiques issues d’une niche peu populaire.
Mais quel est donc le secret de la pérennité d’Ayler Records ?
Certaines médisances affirment que le choix du nom du label a été calculé pour accéder à la notoriété du saxophoniste Albert Ayler. Que nenni, Stéphane Berland le pilote actuel du label, révèle l’historique du choix du nom du label “Les deux fondateurs au départ souhaitaient nommer le label “Bells Records” du nom d’un des disques d’Albert Ayler et en son hommage. Mais cela leur a été refusé juridiquement. Ils ont donc tenté avec le patronyme, qui étonnamment lui n’a pas posé de problème. Voilà l’histoire.”
Les raisons de la pérennité du label trouvent des réponses dans la réalisation du premier album. L’enregistrement est réalisé en concert à l’Unity Temple à Chicago, dans l’Illinois. Le choix d’un live implique une musique vivante, performante, instantanée, différente des musiques aseptisées, souvent plus parfaites, mais plus prévisibles et tellement moins émouvantes.
Le catalogue du label n’est constitué que de projets passionnants de passionnés.
Pour atteindre ce résultat, les différents dirigeants du label ne ménagent pas leur peine, Åke Bjurhamn crée et réalise la plupart des pochettes des albums sortis au début. Cette pratique est actuellement continuée par Stéphane Berland. Après avoir rejoint les fondateurs du label en 2005, au début pour s’occuper et refaire le site web du label, il réalise maintenant toutes les pochettes des CDs sortis depuis 2009.
La visite du Bandcamp d’Ayler Records semble être une promenade dans une exposition de tableaux, par la beauté et l’originalité des pochettes : l’œil encerclé de “Ikui Doki” d’Ikui Doki, en passant par l’effet d’optique du “Le Miroir des Ondes” de Michel Blanc et la sobriété évocatrice du dernier né “Vanishing Light in the Tunnel of Breams” de Pinkish Black & Yells At Eels.
Devant la multitude de CDs, il est difficile de choisir une programmation, ce qui pousse à poser la question au responsable du label “Y a t’il dans tous les albums sorti par Ayler Records des coups de cœur et pourquoi ?”
Voici sa réponse “Pour la question, c’est très difficile… Un peu comme si tu me demandais (si j’avais des enfants) lequel d’entre eux je préfère. 😉 …”
Stéphane Berland parle de ses productions comme de ses propres enfants, cette analogie dévoile peut-être le moteur d’Albert Records : la passion et l’amour de la création musicale. Il l’avoue sous aucune contrainte “Je confirme que c’est pour l’ “amour de l’art” oui, dans les deux sens du terme. J’aime bien l’idée d’être un “passeur” comme d’autres l’ont été pour moi avant quand je découvrais livres, disques, films, etc… Et oui aussi, la musique est la plus grande de mes passions.”
En plus de cette passion fondatrice vivante, Ayler Records a su s’adapter à l’actualité numérique, en proposant l’ensemble de ses productions en vente numérique sur son site internet et son Bandcamp. Plutôt indispensable dans le confinement actuel !
Cette période pousse Stéphane Berland à répondre à l’association “Les Allumés Du Jazz” sur sa situation face au confinement “J’ai des projets en cours, je vais faire comme d’habitude : rentrer la tête dans les épaules et foncer. ;-)”.
L’équation de la pérennité du label devient évidente :
Passion + investissement personnel inconditionnel + travail de qualité + mise à jour + persévérance = My Name Is Ayler Records.
Jean-Constantin Colletto.
Sites web :
http://www.ayler.com/
https://ayler-records.bandcamp.com/