Le vendredi 15 avril dernier, le quartet de Jochen RUECKERT s’est produit à l’AJMI.
Autour du batteur étaient réunis, Orlando LE FLEMING à la contrebasse, Mike MORENO à la guitare et Mark TURNER au saxophone ténor.
Ce quartet qui revint sur scène pour 2 rappels nous permit de voir et entendre, dans des conditions optimales, celui qui est considéré par
ses pairs comme le « ténor » du ténor, à savoir Mark TURNER.
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Ce saxophoniste s’inscrit dans le prolongement de Warne MARSH et John COLTRANE qui sont ses influences majeures et dont il a longtemps et rigoureusement décrypté le jeu .
Il est résulté de ce travail méthodique, analytique et patient un style marqué par la complexité harmonique et rythmique, caractérisé par une extrême fluidité et une énergie concentrée vers l’intérieur aux antipodes de tous effets démonstratifs.
Mark TURNER qui évoque COLTRANE en ce sens qu’il développe une approche méditative et exploratoire de la musique est capable, comme ce dernier, d’atteindre des degrés de concentration très élevés.
Cela se voit, cela s’entend et suscite une attention et un respect immédiat.
L’on est même en droit de penser que son attitude en concert présente des similitudes avec celle de son idole, notamment par un recueillement, en léger retrait de la scène, après des chorus.
Mark TURNER produit une des plus belles musiques jamais extraites d’un saxophone et réussit le prodige d’être un modèle pour toute une génération de musiciens tout en étant parfaitement calme et sobre, loin de toute ostentation.
Mais que l’on ne se méprenne pas, cette façon d’être est naturelle et ne dissimule aucune posture ou affectation et lorsqu’on on lui fit parfois remarquer que l’image qu’il donnait de lui était trop cérébrale, il répondit qu’il refusait d’assimiler tranquillité et cérébralité.
Plus largement, il aime à préciser que tout ce qu’il fait vient de l’émotion et de l’intuition et que l’ego est un tueur d’imagination, d’où le fait qu’il parvienne à vivre très intelligemment et de façon enrichissante les périodes durant lesquelles il est « sideman ».
Cette situation de sideman fut dans son cas à la fois subie et choisie.
Subie, d’abord après la disparition du label « WARNER brothers » dans les années 2000.
Choisie plus tard ,car elle offrait du temps disponible pour l’éducation de ses enfants et la proximité avec sa famille auprès de laquelle il aime être.
Aujourd’hui, plus libre,il retrouve le rôle de leader compositeur ,remarqué pour des créations usant de motifs répétés.
Après le concert, les musiciens sont restés dans la salle pour rencontrer leur public.
Nous avons été plusieurs à discuter avec MARK, assis au pied de la scène, ce qui nous permit d’apprécier le fait qu’il est très accessible et souriant.
Cet échange fut l’occasion de constater que ses doigts blessés à la suite d’un accident domestique fonctionnaient parfaitement.
Alors qu’il ouvrait la main meurtrie, tous doigts écartés, pour nous en apporter la preuve, une lueur de bonheur est apparue sur son visage et le notre aussi, certainement.
Au final, prestation magnifique d’un quartet attachant dont le saxophoniste figure parmi les grands maîtres de l’instrument.
Loué soit ADOLF SAX …
Erick AVIER (texte et photos)