Le vinyle a ses amateurs, le CD a ses charmes. Mais ce que la trentième édition de JAZZ A LUZ nous a donné, aucun support ne peut le transmettre.
Soit que la musique se soit inscrite dans un paysage comme seul Jazz à Luz sait nous en offrir (WALDEN) ; soit qu’une mise en scène inventive ait orienté l’écoute du public – et sans doute le jeu des musiciens (actions de Michel Mathieu et jeu des lumières pour LE UN / vidéo et scénographie de BLEU SOLO) ; soit que le concert fasse date dans l’histoire de la formation (une nouvelle création pour BARAQUE A FREE / le dernier concert du BRIDGE #2.5 dans l’émotion de la dernière fois) ; ou bien il s’est passé quelque chose d’exceptionnel entre les musiciens et le public, de l’ordre de la performance et du rite. En tout cas une expérience hors norme : BEGAYER.
UNE JOURNÉE RÊVÉE A LUZ
Elle débute le 12 juillet à 6 heures du matin au pied du château Sainte-Marie, tout au-dessus de la vallée endormie. Le jour va se lever, les nuages masquent les sommets, et Albert Marcœur commence la lecture de Walden, ponctuée par les interventions de l’ENSEMBLE LIKEN. Timothée Quost a composé, mis en espace – et quel espace !
La musique et la beauté du site accompagnent la parole d’Henry David Thoreau. Quand retombe le silence, un rapace tourne dans le ciel et vient se percher sur le donjon. Magique !
« WALDEN » ENSEMBLE LIKEN ET ALBERT MARCŒUR Simona Castria : saxophone, Xavière Fertin : clarinette, Victor Aubert : guitare acoustique, Quentin Coppalle : flûte traversière, Pierre Juillard : orgue d’ardoise, paysage sonore, Léo Margue : C Melody, Albert Marcœur : voix et chant, Timothée Quost : composition, mise en scène, Louis Siracusa : contrebasse, Loïc Vergnaux : clarinettes, Jean Wagner : cor
11 heures : l’heure parfaite pour éveiller ses oreilles aux subtiles résonances méditatives de KEPLER. Vous reprendrez bien une gymnopédie ? Se ressourcer, avant d’affronter les trentièmes rugissants que nous promettent EDREDON SENSIBLE, OGRE, GHOST RIDER, TRACTEUR… (10 juillet)
KEPLER Julien Pontvianne : saxophone ténor, clarinette, Adrien Sanchez : saxophone ténor, Maxime Sanchez : piano, clavier
15 heures : partager l’enthousiasme communicatif de BARAQUE A FREE, un collectif de dix jeunes musiciens toulousains déchaînés. Une musique débridée, réjouissante, qui fait feu de tout bois. (12 juillet)
BARAQUE A FREE Sarah Brault : voix, Marion Josserand : violon, Antoine Ferris : contrebasse, Cédric Laval : guitare, Julien Massol : saxophone baryton, Florian Muller : basse, Sylvain Ray : clavier, Simon Riou : saxophone alto, Ludovic Schmidt : trompette, Arnaud Sontag : batterie
17 heures : s’immerger dans le BLEU SOLO de Soizic Lebrat. Les notes tenues du violoncelle, la beauté délicate de la gestuelle et le flux hypnotique des images de Yan Breuleux. A Kind of Blue Cello. (12 juillet)
BLEU SOLO Soizic Lebrat : violoncelle, Yan Breuleux : vidéo, Sandra L’Hostis : costume, Marina Pirot : scénographie
21 heures 30 : accompagner THE BRIDGE #2.5 pour leur dernier concert de ce côté de l’Océan. L’équilibre parfait entre quatre maîtres de l’impro dans une rencontre qui n’a rien d’artificiel. Retour aux fondamentaux du jazz tel qu’il se vit à Chicago et à Luz. A la fin du concert un rappel, histoire de retarder le moment où chacun reprendra son chemin. (10 juillet)
PANG! (THE BRIDGE #2.5) Sophie Agnel : piano, Ben Lamar Gay : cornet, voix, Pascal Niggenkemper : contrebasse, Sam Pluta : électronique
Encore à 21 heures 30 : coup de cœur pour BEGAYER. Tout ce qui reste d’un monde qui a sombré, à travers la voix poignante de Loup Uberto et le martèlement d’une musique tellurique. La danse des chamanes au pays Toy. (12 juillet)
22 heures 30 (11 juillet) : se laisser porter par l’impro collective des vingt musiciens du UN. Des architectures sonores naissent, s’amplifient, à l’image des constructions patiemment assemblées par Michel Mathieu, et chacun y trouve son espace. Travail remarquable de Christophe Cardoen aux lumières, l’éclat des actions poétiques de Michel Mathieu dynamisant les flux sonores.
LE UN Sophie Agnel : piano, Claire Bergerault : voix et accordéon, Soizic Lebrat : violoncelle, Camille Emaille : percussions, Amanda Gardone : contrebasse, Anouck Genthon : violon, Rozemarie Heggen : contrebasse, Natacha Muslera : voix, Aude Romary : violoncelle, Pascal Battus : surfaces rotatives, Benjamin Bondonneau : clarinette, Pierre-Olivier Boulant : son, Christophe Cardoen : lumières, Patrick Charbonnier : trombone, David Chiesa : contrebasse, Michel Doneda : saxophone soprano, Bertrand Gauguet : saxophone alto, Benoit Kilian : percussions, Lionel Marchetti : électroacoustique, Michel Mathieu : actions, Jérôme Noetinger : électroacoustique, Jean-Luc Petit : clarinette contrebasse, Mathieu Werchowski : violon
Sept moments marquants pour rappeler que la fonction d’un festival est la rencontre d’un public avec des propositions musicales fortes, originales et stimulantes. « L’important est-il de connaître ou de découvrir sans cesse ? Depuis 30 ans, nous faisons le pari de l’étonnement. » C’est la devise du festival.
Le pari est gagné au-delà des attentes.
Texte et photos : Jean-Yves Molinari
Dessins : Adrien Le Galloc’h