Un grand cru dégusté sans modération
Paolo Fresu Devil quartet
« Beauté du diable », pour ce « devil » quartet du prolifique Fresu, aventurier insatiable, héritier de l’ange déchu et du prince noir, Chet et Miles, comme de ses brillants aînés italiens, Rava, Romano et D’Andréa, partenaires de sa jeunesse créative.
Paolo perpétue l’histoire d’un jazz, se souvenant des maîtres de l’Amérique, mêlant sans renier la source, ses origines sarde et méditerranéenne, folklores latin, « folia » baroque, chant lyrique « alla Verdi », sonorités électriques flirtant avec le rock, créant avec ce « Devil » quartet, son propre univers.
Rythmique souple et énergique, pulsation onctueuse et nerveuse, Stefano Bagnoli à la batterie et Paolino Della Porta à la contrebasse, propulsent avec grande classe, Bebo Ferra, guitariste aérien, élégant et incisif, vers des chorus « endiablés », répondant à ceux de Paolo, virtuoses, avec cette magnifique sonorité de bugle, transformée sans vulgarité, par des échos électroniques.
Ce soir-là à l’Archipel, Fresu et ses compagnons, en maîtres de l’art, nous ont fait adorer » la beauté du diable ».
Andy Emler / Thomas de Pourquery
Epicuriens de la musique sans frontières, joviaux complices espiègles, copains d’abord, musiciens ensuite, ou l’inverse, déconneurs tout terrain, sérieux s’abstenir, Andy Emler et Thomas de Pourquery, ont passé à la moulinette avec talent et humour, Debussy, Nougaro, Desproges, des jazz d’horizons variés ou dévariés, façon variété, « free », friture ou confiture, gourmands comme deux lutins déjantés et malicieux, sortis de l’univers de Tex Avery, avec leur Duo décoiffant, à écouter immodérément : » Voici les rois barbus, qui s’avancent bu, qui s’avancent bu ! »*
( * citation d’Offenbach dans La Belle Hélène )
Simon Goubert / Ablaye Cissoko » African Jazz Roots «
Coltrane plane au-dessus de cette superbe musique, mêlant un jazz modal, à la richesse du folklore africain, porté par le trio Domancich, Viret, Goubert, puissante ossature rythmique, piano, contrebasse et batterie, propulsant avec intensité, le jeu en finesse de Cissoko sur sa Kora, aux frêles sonorités de harpe et de guitare. Rencontre spirituelle et musicale des continents, pour ce quartet jouant avec ferveur, se souvenant de leur partenaire d’hier, Jean-Jacques Avenel .
Omar Sosa / Gustavo Ovalles
Jubilation, complicité, enthousiasme, facilité virtuose, profondes racines ancestrales, traditions caraïbes, Omar Sosa et Gustavo Ovalles, nous ont offert un époustouflant duo de télépathie musicale, évident dialogue du piano et des innombrables percussions, qui nous a laissé un goût de trop peu, tant le plaisir du jeu et de l’écoute de ces deux musiciens était grand, pour ce concert d’exception.
Thomas de Pourquery & Supersonic
Après un passage terrestre remarqué, Sun Ra est reparti vers d’autres galaxies, emportant dans son vaisseau pyramidal, son Intergalactic Myth Science Arkhestra qui doit probablement jouer quelque part dans un coin perdu de l’univers, subjuguant des milliards d’aliens, hypnotisés par les délires du mage, avec son « free-jazz » cosmique.
Heureusement pour nous, Thomas de Pourquery, s’est souvenu du maître, avec son nouveau groupe Supersonic, qui, s’il ne ressemble que d’assez loin à la musique de Ra, n’en fut pas moins excellent, avec sa bande d’allumés, autour d’une rythmique très percutante, avec le déjanté et explosif Edward Perreau aux baguettes, et la basse très électrique de Frederik Galiay, rappelant les maîtres « kobaïens », Top et Paganotti, ou la fureur de Laswell dans « Painkiller ».
Mis en orbite par une telle force de frappe, les cuivres transcendés de Pourquery, Bardaine et Avice, et les claviers atomiques de Roulin, ont mis le feu au théâtre catalan, le fan club de Thomas, »rigoulettes et rigoulous » en tête, faisant trembler les balcons qui ont failli s’effondrer ! chaud devant !
Claude Barthélémy et l’Occidentale
Mariage réussi de la carpe et du lapin, pas de raison mais d’amour, l’Occidentale, grande formation expérimentée à l’univers très personnel, fanfare mixant folklores celtes ou latins, au jazz et au rock, s’est choisi pour chef invité, le trublion iconoclaste, Claude Barthélémy, musicien tout terrain, pratiquant tous les possibles musicaux, d’hier ou d’aujourd’hui, d’orient ou d’occident.
Résultat décoiffant, avec des musiciens sans peur et sans reproche, déboulant sur scène telle une confrérie du souffle qui balance « grave », propulsée par un batteur énergique, pimenté de sonorités de bagad breton, cornemuses en tête, vielle électrique émergent pour une deuxième jeunesse, le tout dynamité par l’oud et la guitare de Barthélémy, aux commandes de cette machine de guerre, pour fêter la victoire pacifiste de la musique.
Théo Ceccaldi Trio
Corps à cordes, cris de cordes abrasives, dès les premières notes du trio Ceccaldi, l’intensité de jeu est là, l’engagement des trois musiciens impressionne.
Avec une fougue virtuose, contrôlée et maîtrisée, violon, guitare et violoncelle, vibrent en résonnances, mêlant sans complexes des influences assumées.
Fantômes de Bartok, Ligetti, paroxysmes tendus, fulgurants unissons crescendos dignes des Arditti, pizzicatos répétitifs à la Reich, violentes et dissonantes fractures de riffs rock et métal, étirements de notes apaisées, réminiscences baroques, jazz contemporain incandescent, créatif et décapant, sans compromis, joué avec brio par Théo et Valentin Ceccaldi aux archets et Guillaume Aknine aux guitares. Révélation !
Michael Wollny / Vincent Peirani
Wollny et Peirani représentent le futur d’un jazz déjà entré dans leur présent, musiciens brillants nourris de Berg, Canteloube, Bechet, Portal, Rhim, Varèse, Hindemith, Monk ou Ellington, entre mille autres, façonnant non sans malice un univers musical, faisant chavirer le public qui les écoute envoûté et inassouvi .
Sylvie Courvoisier / Mark Feldman quartet
Les mystères du jazz et de la musique improvisée sont tels, que s’y côtoient des musiciens talentueux, à la notoriété reconnue dans ces univers, comme Sylvie Courvoiser, Mark Feldman et Scott Coley, et d’autres sorti de nulle part, comme le fabuleux batteur Billy Mintz, qui pourrait être par son style minimaliste, le père d’un autre poète inspiré de la batterie, Didier Lasserre.
Le jazz nous révèle régulièrement des jeunes talents, mais il est plus rare, qu’il le fasse pour des musiciens comme Mintz, qui a probablement plus de cinquante ans de jeux de balais et de baguettes entre ses mains et ses pieds.
Exigeante, la musique du quartet Courvoiser /Feldman l’est, jusqu’au bout des cordes du violon et de la contrebasse de Mark et Scott, jusqu’aux frissons d’ivoire et d’ébène, et jusqu’aux tremblements percussifs du piano de Sylvie, fusionnant en nuances, musique contemporaine, échos des folklores yiddish et klezmer, pour offrir l’écoute d’un jazz moderne, sans concessions .