Jazz à Luz 2015 vu par Clap’Coop


GRI_9172Donkey Monkey

Autant éclectique qu’espiègle, aussi joueur qu’imprévisible, le duo iconoclaste de l’âne et du singe, passe à la moulinette, contines enfantines sur tempos rock, dérapages free-jazz pimentés de folklores nippons, dissonances et puissants martellement rythmiques piano/batterie, caresses bruitistes cymbales /cordes préparées, unissons vocaux drolatiques du Monkey Donkey, alias Eve Risser et Yuko Oshima, bousculant sans complexes les codes musicaux transgenres, avec une science musicale véloce, burlesque, et une fraîcheur spontanée enthousiasmante.

V48B0171_CourvoisierSylvie Courvoisier Trio

Mêlant écriture et improvisation avec virtuosité, le trio Courvoisier, Sartorius, Weber, brille dans l’exécution d’une musique forte, percussive, intense, excellent travail d’orfèvres musiciens, laissant peu de place aux chemins buissonniers et à la ferveur.

IMG_2176_UNEnsemble UN

Imperceptible enflement du son, montée en puissance progressive de l’orchestre vers de puissants paroxysmes, énorme vague sonore se formant au large, prenant de la force, déferlant, se transformant en nébuleuse élastique se contractant, se dilatant, matière sonore vivante en suspension, produite par les 21 musiciens de l’Ensemble UN, ne faisant qu’un, créant un univers musical intense, se diluant dans l’air, aux atmosphères apocalyptiques proches du chaos, ou aux étirements sonores conduisant vers l’extase.

IMG_2169_LavantLavant / Secheppet / Paris

« Les cailloux s’en rappelleront de ces paroles », dit un enfant du Pays Toy, avec cet accent authentique, vibrant, comme si ces cailloux avaient une âme, comme s’ils avaient entendus ce texte mystique et philosophique, dit par un Denis Lavant habité, porté magnifiquement par les percussions de Laurent Paris et les saxophones et flûtes de Camille Secheppet, sur ces montagnes émergeant au-dessus d’un océan de nuages, dans ce fabuleux décors naturel, illustrant  » Le dit du vieux marin « , comme si son navire engloutit par les flots, avait vogué sur ces cimes avant de sombrer.

Jean-Luc Guionnet

Silhouette détachée sur l’écran réfléchissant des lumières mauves /violettes, seule aux côtés d’un pied de micros dans la pénombre, frêle arbre mort dressé, non mise en scène, ascétique, minimaliste, plongée en apnée dans une musique brute, engagée, souffle continu se déversant du saxophone alto, flux vibrant, remontée en surface, courtes respirations pour s’immerger encore d’avantage au cœur de la musique, Guionnet impressionne, dans son solo radical à la beauté primitive, son jeu viscéral, son art sauvage magnifique, sans concession.

IMG_2200_TOCToc

Evoluant dans des territoires sonores dignes d’un concert des Who, période « Live at Leeds », dans une veine évoquant un free-rock urbain post-nucléaire, tendance Can, la musique de Toc décoiffe, si l’on rentre à l’intérieur en se laissant aspirer par la transe hypnotique, convulsive, éruptive et tellurique, jusqu’à ce que les tympans n’entrent en fusion thermonucléaire, sans refroidissement possible, laissant le corps radioactif, tétanisé, pétrifié, vitrifié, après un tel déluge de décibels !

IMG_2215_AndreasHildegard Lernt Fliegen

Trublion bondissant, éructant, scatant, onomatopétant, rappant, bruitant, torturant, triturant ses cordes vocales, Andreas Schaerer surfe sur le souffle frénétique des cuivres, porté par une rythmique bondissante, faisant ressembler Hildegard Lernt Fliegen, à une fanfare bavaroise déjantée en pleine fête de la bière, qui aurait passé la nuit avec Frank Zappa et ses Mothers of Invention, le Willem Breuker Kollektief et Kurt Weill.

Thomas Bonvalet – Jean-Luc Guionnet

Son phénoménal, musique habitée, fracas cataclysmique, Bonvalet jouant corps à corps avec ses instruments bricolés, banjo, guitaron, micros, percussions, Guionnet, ondoyant devant les claviers de l’orgue, faisant cracher le souffle des tuyaux du monstre, auditoire fasciné, subjugué sur les bancs de l’église des Templiers, devant deux musiciens inspirés, jouant une musique hors normes, puissante, choc extraordinaire.

IMG_2274_VandermarkKen Vandermark

Emouvant Vandermark, surpris et heureux de jouer pour la première fois en solo devant un tel auditoire, vibrant Vandermark sur son baryton, saturé de « groove free », cinéphile Vandermark, dédiant ses improvisations à Varda, Chris Marker, Godard, Ana Karina, fantastique Vandermark, rendant un frissonnant hommage à Albert Ayler, citant amicalement Joe McPhee, superbe saxophoniste, nous rappelant sans le dire, qu’être un musicien libre, n’est pas toujours facile à travers le monde, et se paie cher pour le rester.

Ensemble FM & Christine Wrodaska

Machine a remonter le temps, nous replongeant dans les limbes de la musique immobile en perpétuel mouvement de Terry Riley, l’Ensemble FM réinterprète  » In C « , composition hypnotisante, lent tourbillon progressant par superposition de couches instrumentales décalées imperceptiblement. Souffle des saxophones répondant aux riffs en boucles des cordes, échos de nappes saccadées des bois / trompette, soutenus par les pulsations des percussions /vibraphone, scansions rythmées du grand piano, tous sous la bienveillance de Christine Wrodascka, sphinx aux yeux clos, dirigeant l’œuvre par sa seule présence et ses vibrations positives, en méditation active derrière son piano-jouet, se réappropriant cette œuvre mythique, avec respect pour son auteur.

Christian POUGET
(Textes et images sauf Donkey Monkey)

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