"In Spirit" précognition de Claude Tchamitchian.
Chaque compositeur a sa façon de composer ou d’improviser, le fondateur du label Emouvance, lui, a l’habitude d’utiliser la technique du “work in progress”. “Dans mes deux précédents solos “Jeux d’Enfants” et “Another Childhood”, la musique se révélait au fur et à mesure du travail de conception. Mais dans le présent opus “Pour la première fois depuis que je compose, j’en ai pré-entendu la musique, déclenchant un processus pour la faire naître qui m’a fait agir sur les fondamentaux même de l’instrument”.
Voilà une technique originale qui change complètement le travail de création, passant d’un travail d’exploration progressive où la musique se révèle avec le temps à une recherche de production d’une audition pré-entendue. Le travail de conception n’est plus de trouver et d’affiner la musique mais de réaliser la musique perçue.
Le contrebassiste relate ses difficultés : il a changé d’instrument, car sa contrebasse régulière ne peut pas jouer ce qu’il captait, ce qui au début a bloqué le projet, mais c’est grâce à la mise à disposition d’un des instruments de Jean-François Jenny-Clarke que le projet peut continuer. Claude Tchamitchian change également la scordatura, c’est à dire l’accordage des cordes à vide pour arriver au tempérament et jouer sa musique perçue, car il explique sur YouTube qu’il était comme un peintre qui voyait une couleur qu’il n’avait pas sur sa palette ordinaire.
En plus de l’accordage qui au lieu d’aller de quarte en quarte, passe à des intervalles (assez contraignants) de quinte diminuée, il rajoute un système de doubles cordes afin d’augmenter les possibilités de l’instrument et pouvoir jouer une mélodie et maintenir l’accompagnement.
Pour jouer avec ces modifications, le musicien invente de nouvelles façon de jouer, allant même jusqu’à créer une technique de jeu à deux archers en même temps, utilisée avec délice dans “In Memory” très beau morceau arménien, du dixième siècle.
Cette piste rappelle l’histoire dramatique du peuple arménien, cher au cœur du compositeur.
Est-ce grâce à cette technique novatrice ou pas ? mais le résultat est stupéfiant, “In Spirit”, qui dure plus de 19 minutes, ne lasse à aucun moment l’auditeur, alors que le rythme et la noirceur des mélodies pourraient épuiser l’attention.
Claude Tchamitchian parle de capter des univers, des couleurs, du matériel qui sortent de sa tête.
Souvent l’écriture d’une chronique s’accompagne de recherches. Pour celle de ce jour, c’est la psychologie transpersonnelle qui éclaire le processus utilisé par le musicien, et donne la définition “Précognition”, c’est à dire une perception extra-sensorielle d’informations concernant des événements et des situations futures.
Cette chronique n’est pas l’endroit pour développer le sujet, mais en résumé, il s’agit de développer son intuition en apprenant à capter ses impressions, par ses rêves ou pendant les périodes d’éveil.
Maintenant est-ce que l’écoute de “In Spirit” est propice à développer les pouvoirs de précognition ? il ne reste plus qu’à l’écouter pour pouvoir y répondre.
Texte Jean-Constantin Colletto – Photos J.Paul Gambier
Label: émouvance.
Enregistré les 13 et 14 juin 2018 aux Studios La Buissonne Pernes les Fontaines, 84210 France.
Musicien : Claude Tchamitchian - contrebasse.
Site Web : https://tchamitchian.fr/
