ESKELIN / LIEBMAN

CC Andy NewcombeDifferent but the same

Naissant dans les traces du swing rugueux d’un coureur de « Chase », tel un Gene Ammons qui aurait croisé le fer avec Albert Ayler, Ellery Eskelin forge son jeu à la fois dans la tradition du jazz, du rythmn’ blues et du rock&roll des années cinquante, comme dans le jeu d’avant garde du free-jazz, mais aussi à l’écoute des mouvements « grunge » ou « punk rock », en développant un son « sâle », pour créer son identité singulière, en marge des stéréotypes déjà entendus dans les dernières générations de saxophonistes ténor.

Humble disciple émancipé, maître virtuose des ténor et soprano, Dave Liebman, aventurier boulimique, creuse inlassablement depuis plusieurs décennies, le sillon tracé dans le cosmos par Coltrane, dans des rencontres qui fuient le confort et l’habitude, pour partager la magie de l’échange, de la découverte, avec des partenaires d’horizons multiples, de Miles à Portal, de Konitz à Machado, d’Evan Parker à Eskelin.

Différemment les mêmes, opposant leurs styles, Liebman et Eskelin, forment depuis dix ans avec Tony Marino, à la contrebasse et Jim Black à la batterie, un groupe avec un son de groupe, tel que le rock peut en produire, sans pour autant jouer du rock, mais un jazz aventureux, alchimie incroyable, mêlant l’esprit des batailles de saxophones à la Dexter Gordon et Wardell Gray, l’improvisation libre et débridée héritée des duels fraternellement fratricides de Coltrane et Pharoah Sanders, avec un engagement et une immersion totale dans le son, qui subjugue devant une telle passion du jeu.

Ces quatre hommes plongent dans la tempête qu’ils provoquent, sans peur de s’y noyer, l’âpreté de leur jeu faisant naître la beauté, la rythmique propulsant et portant le chaos maîtrisé par ces deux cornes de cuivre en fusion, soit une des meilleures choses qu’il soit arrivé au jazz, depuis longtemps.

Christian Pouget

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