Eric Le Lann a visité bien des univers musicaux.
D’abord adoubé be-bopper au sein du quintet de René Urtreger, il s’en alla rejoindre le quartet de Henri Texier avant de tenter l’aventure « Fusion ».
Depuis le début des années 90, il multiplia ou renouvela les rencontres (Martial Solal, Jean-Marie Ecay, Archie Shepp, Jannick Top), tout en prenant parfois des chemins de traverse.
Cet éclectisme en incita plus d’un à qualifier son parcours d’inconstant, là où d’autres y trouvent la recherche de nouveaux territoires à explorer.
Il n’est donc pas étonnant de le voir aujourd’hui rendre hommage à un musicien dont il peut se rapprocher par la sensibilité si ce n’est par le style.
Passé le moment d’agacement à la vue de la jaquette où une belle photo de Christian Ducasse installe Chet Baker comme la vedette (les marketers vont « fêter » le 25ème anniversaire de sa mort), il faut bien reconnaître qu’Eric Le Lann nous bluffe dans cet exercice.
Dès For Minors Only, le trouble s’installe tant l’esprit de Le Lann est proche de celui de Chet sans jamais tomber dans le mimétisme.
Jusqu’à la fin, la musicalité et la maîtrise de l’instrument nous rappellent ce dont ce trompettiste est capable : du meilleur !
Peut-être sa complicité, vieille de plusieurs années, avec Nelson Veras a-t-elle induit la magie qui se dégage de ce disque.
Une fois de plus le guitariste brésilien apparaît comme descendu d’une autre planète, celle où Miles, Jobim et Villa Lobos trinqueraient à l’universalité de la musique.
Ses solos (I Shouls Care, Summertime, Zingaro) nous rappellent quel OVNI de la guitare peut être ce musicien habité par une douce folie.
Sans oublier le rôle impeccable de Gildas Boclé à la contrebasse (même si le mixage le rend trop présent), voilà un album extrêmement touchant, peut-être le meilleur d’Eric Le Lann.
PHILIPPE VINCENT