L’homme court, solitaire, écoutant le rythme de sa foulée au tempo régulier, qui frappe le sol, il sent les battements de son cœur dans sa poitrine, son souffle rythme la course, l’air envahit ses poumons, ressortant en pression dans la corne, pulsation régulière, respiration continue, «the long distance runner», souffle dans son soprano de cuivre, poursuivant sa quête d’absolu, grisé par l’ivresse de son jeu et de sa course.
Sonorité de soprano unique, comme peu d’autres, finesse de jeu poétique, souffleur formant et déformant des volutes liquides, sculptant inlassablement l’air qui transporte ses notes, amoureux émancipé de Coltrane et Ayler, ténor rugueux, vif, charnel, impétueux, aventurier de l’improvisation, Dave Liebman, maestro des notes bleus, indigo, pourpres, incandescentes, recherche sans cesse de nouvelles expériences, avec des musiciens de styles et d’horizons opposés, que leur réputation soit faite ou à faire.
Explorateur solitaire ou équipier d’aventures musicales multiples, Liebman, a partagé depuis près d’un demi-siècle des expériences éclectiques, acoustiques ou électriques, avec des partenaires aussi différents que Miles Davis et son free-funk-jazz-rock organique, Quest et son ultime quête, Shorter, Beirach, Gomez, Dejohnette pour un intense hommage à Coltrane, Lee Konitz pour des effluves harmoniques enivrantes, Copland, Abercombrie et Billy Hart pour la beauté du jeu, Jean Paul Céléa et Wolfgang Reisinger pour un trio aventureux, Richie Beirach encore, pour un duo frémissant avec son frère d’armes, Evan Parker et ses expérimentations free soniques, et enfin le fabuleux quartet avec Ellery Eskelin, Jim Black et Tony Martino, pour se perdre dans la folie de l’improvisation libre, débridée et frissonnante.
Dave Liebman, « long distance runner », marathonien musicien infatigable, cours encore à perdre haleine, à la recherche de son grââl musical.
Christian Pouget