Contrabassiste (Joëlle LEANDRE)

Léandre

16 juillet 2015 Avignon

Habitée par une rage rebelle ancestrale, d’avant la nuit des temps, cherchant depuis l’aube des sœurs d’armes et d’âme, sonnant sa révolte, viscéralement engagée dans son jeu musical avec une exigence libertaire flamboyante, embrassant, embrasant sa contrabasse avec une force indomptable, triturant les cordes à coups sauvages d’archet, caressant, percutant le bois pour en extirper la matière, vocalisant avec une théâtralité tragi-comique, onomatopées, bribes de phrases, situations subversivement détournées, partageant la scène planétaire avec une folle et enivrante myriade d’improvisateurs radicaux créatifs, inventeurs sans compromis d’univers musicaux extrêmes, sœurs et frères, musiciennes et musiciens, Joëlle Léandre cherche avec elles et eux, le possible dans l’impossible.

Funambule sur cordes tendues, tordues, grattées, vrillées, frottées, pincées par Derek Bailey, Boni, Frith, Poulsen,Teyssot-Gay, corps à cordes d’archets fulgurants avec William Parker, Phillips, Kowald, Zingaro, Saitoh, Courtois, Ceccaldi, souffles ardents d’anches de cuivres et de bois de Braxton, Coxhill, Lazro, Parker, Lacy, Leimgruber, Akosh, Houle, dialogues diaboliques avec ses sœurs, Schweizer, Nichols, Nozati, Cooper, Cooke, Courvoisier, Ibarra, Mitchell, Crispell, Vidal, Newton, elle n’en finit pas de creuser des milliers de sillons, en profondeur, pour en extraire les racines des cordes de sa contrabasse, remontant à la surface après une longue maturation, jusque dans la caisse de son instrument, projetant avec lyrisme à l’air libre, des pans entier de l’histoire des musiques noires ou blanches, depuis les hérésies révoltées d’Ayler et Cecil Taylor jusqu’au milieu des abstractions de l’Intercontemporain, croisant les expérimentations aléatoires de Cage et Feldman, interprétant l’énigmatique Scelsi ou la jeune avant-scène Hersant/Fénelon, jouant encore une autre sœur, Betsy Jolas, ne cessant d’hurler avec sa rage rebelle :  » m’entendez-vous ? « 

L’amour fou, utopique de la musique écorchée de Joëlle Léandre, transpire, suinte, de tout son être, dans une trajectoire pensée, choisie, maîtrisée, contrôlée, de son premier cri jusqu’à son dernier souffle, avec une profondeur subjuguante.

Christian POUGET

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