Anna WEBBER
SHIMMER WINCE
Anna Webber : comp-ts-fl / Adam O’Farrill : tp / Mariel Roberts : cello / Elias Stemeseder : synt / Lesley Mok : dr
Date de sortie : 06/11/2023
Anna Webber de nouveau. Et, à nouveau, la-voici creusant son sillon compositionnel de remarquable manière. Ses compositions évoluant de manière minimaliste et répétitive s’y croisent et s’y entrecroisent de multiples lignes et figures. L’harmonie, le rythme, le contrepoint sont interrogés et intégrés au sein de propositions singulières tel que le pratiqua longtemps Anthony Braxton par exemple.
Ici, les solistes savent que la parole leur sera donnée et jamais flouée. C’est que la dame cherche, recherche, creuse… et fait confiance à ses partenaires. A une contrebasse qui pourrait être top bavarde, elle préfère un violoncelle vadrouilleur (Mariel Roberts). Aux registres étendus d’un piano, elle choisit un synthétiseur aux somnambuliques sonorités (Elias Stemeseder). En refusant ainsi les facilités et le déjà-entendu, acceptant que la flamboyance d’un musicien s’interpose (ici le trompettiste Adam O’Farrill à de nombreuses reprises) et en demandant à la percussionniste Lesley Mok un subtil équilibre entre élasticité et rigueur, la compositrice offre un kaléidoscope compositionnel qui semble sans limite (il n’est pas inutile de se pencher sur ses précédents opus pour le confirmer). Source de jouvence jamais tarie, l’art d’Anna Weber va son chemin. Un chemin qui semble illimité.
CAPACIOUS AERATION
Anna Webber : ts-fl / Matt Mitchell : p
Date de sortie : 03/02/2024
Anna Webber et Matt Mitchell connaissent l’ivresse de la vitesse. Flûte et piano pensent l’unisson comme une bataille sans fin et obéissent à des mélodies brisées, triturées-torturées (Most Capicious)
Anna Webber et Matt Mitchell réduisent les espaces puis enfantent des contrepoints véloces et rigoureux. Sur le fil, ils dansent du même pas (Glabrs 2.0)
Anna Webber et Matt Mitchell savent que les harmonies sont plurielles et se négocient entre consonances et dissonances. Ils savent aussi qu’il est bon d’unir et de désunir. La formulation de leurs dérives s’inscrit dans une maîtrise forte des masses sonores. A l’aide de puissants appels (on ne chuchote pas ici), ils activent de courts leitmotivs répétés à l’infini. Tourmentées les sauces sont aigres, jamais douces, toujours obstinées (Zooquaria).
Anna Webber et Matt Mitchell habitent d’étranges terres à l’apparente lenteur et où se poursuivent et se superposent deux improvisateurs libérés des structures précédentes. Une autre facette du talent de nos deux musiciens, celle de la (presque) libre improvisation (Maximum Cadence).
Anna Webber et Matt Mitchell n’échappent pas à la complexité d’une œuvre (Re-Aeration), aux brusques diversions et déviations de celle-ci. Le piano est tellurique, la flûte est aérienne et tous deux s’épousent ou se rejettent, obscurcissent un mouvement ou en éclairent un autre. Le leitmotiv brille comme un disque rayé et vient obstinément brouiller les pistes.
Anna Webber et Matt Mitchell réussissent ce que beaucoup tentent et peu réussissent : la juste fusion entre composition et improvisation.
Luc BOUQUET
