Zapatista !
Depuis les montagnes du Chiapas se mène depuis trente ans un combat à nul autre pareil. Un combat révolutionnaire, qui révolutionne la révolution. À chaque terre un climat, des hommes, des fruits, des cultures dont il n’est nullement question de faire table rase, mais dont au contraire l’observation, le respect et l’amour élèvent un rempart des plus sûrs contre le dogmatisme et l’idéologie qui ont étranglé jusque-là les appels à un monde meilleur et gauchi l’élan qui portait vers lui. La tournée récente des zapatistes en Europe (2021) ne portait pas la parole de la « voie juste », pour se mettre à son écoute, mais venait partager des expériences concrètes. Échanger : donner et recevoir. « Consulter », c’est un maître-mot de Ya Basta ! La conquête de la liberté concrète, la seule qui vaille, prend du temps, demande de l’organisation.
C’est là ce que l’on peut entendre dans la musique de Jean-Pierre Jullian. Ces longues pièces enchaînent, articulent, superposent des motifs – plus que des riffs, moins que des thèmes –, les font tourner comme un chien qui se couche en creusant une niche pour ses rêves. Le petit ensemble ne cesse de se défaire et reconstituer comme pour mieux épouser le terrain. Il y a des pauses, on repart, en file indienne derrière un soliste, on échange les rôles, on se relaie, on discute, on chante, mais toujours on avance. Chacun a son histoire, son timbre, au naturel. Le minimalisme répétitif, les accents binaires, des échos burtoniens, le stevecolemanisme, tout cela affleure et prend place dans une écriture droite et accueillante dont quelques mots n’épuiseront pas le charme. Deux adjectifs qui résumeraient aussi bien l’esprit zapatiste, auxquels il faut ajouter comme leur couronnement, celui qui donne à son expression un ton unique dans l’Histoire : « poétique ». « Notre loi a fait fleurir les livres, les médicaments, les rires, les bonbons et les jouets. » De cette espèce est la loi qui fermement gouverne Mitoa.
Philippe Alen