Tyshawn Sorey (toujours pas dans le dictionnaire du jazz mais soyons fair-play en 2011 il n’avait qu’une petite dizaine d’années d’activité professionnelle à son actif) ne perd rien de son inventivité dans la relecture des standards. Le mainstream est loin : ici l’on pense la suspension, l’espace. Ici, le tempo se cabosse, perd de sa carapace et quand il pointe le bout de son nez (le contrebassiste Russell Hall y est pour beaucoup), il n’est jamais métronomique et presque toujours en rupture-césure. Rien de nouveau même si les accords plaqués intensément et l’harmonie libérée que sait si bien entretenir le pianiste Aaron Diehl pacifieraient presque les antis et pros de l’avant-garde.

Captés en mars 2022 à la Jazz Galery de New York, les thèmes de Cole Porter, Ornette Coleman, Billy Strayhorn, Thelonious Monk, Miles Davis et autres sont explorés sans emballements (de huit à trente-quatre minutes) et, ainsi, peuvent s’ouvrir à quelques vives trouvailles : l’élasticité des tempos (Please Stand By, Out of Nowhere, Three Little Words,), l’enchainement des thèmes créant ainsi des mini-suites, des thèmes cachés-rejetés en périphérie (Out of Nowhere comme par hasard), un pianiste en quête-phase obsessionnelle (Please Stand By), la déstructuration du tempo (le duo piano-drums in I Remember You) ou son étirement abusif (Ask Me Now) . Si l’on ajoute à cela un altiste évitant la surchauffe et à la fausse nonchalance (Greg Osby qui est sur le dico du jazz lui !) ainsi que la justesse du drumming de Tyshawn Sorey, nous avons ici trois Compact Disc hautement recommandables.

Luc BOUQUET