Jazzèbre 2015 vu par Clap’Coop

Gerry Hemingway / Samuel Blaser

Musée d’Art Moderne de Céret, 26 septembre

Vibrations de l’air dans l’embouchure d’un entonnoir, plaqué sur une peau de caisse claire, à l’unisson de glissandos s’écoulant du pavillon du trombone, chant multi-phonique, profusion d’harmoniques, caresses des balais soulignant l’étirement des sons, modulés par les tubes de cuivre coulissant, distorsion du souffle grave, étiré, compressé, comme une pâte de verre en fusion, magie sonore en apesanteur, lent balancement progressant vers un puissant swing rythmique, grondement tribal de la batterie, propulsant les barrissements du trombone sur les traces d’une parade Néo -Orléanaise, intonations d’un cor alpestre straussien sur les cimes du Canigou, le duo « Drum’Bone » de Gerry Hemingway et Samuel Blaser, créature à deux têtes, fait corps comme un seul homme-instrument, musiciens produisant des improvisations d’une intensité prenante.


Philippe Torreton / Edward Perraud

Théâtre de l’Archipel, 8 octobre

Chien bâtard ange gardien, maître d’une épave alcoolique, passager en perdition précipité vers des flots linceul, engloutissant son aéroplane, cataclysme cosmique aux confins des galaxies, putes perdues au bord d’un trottoir surplombant les gouffres béants des égouts de l’humanité, amours perdus, désespérés, broyés, divagations éthyliques, les textes de Leprest, habités par Torreton, déferlent telle une gigantesque lame de fond chargée d’amour fou sans espoir, portés par la transe percussive de Perraud, aérienne, terrienne, aquatique, enflammée, transcendés par leur puissant duo, laissant sans voix l’auditoire ébranlé par la force éruptive de l’engagement de l’acteur et du musicien.


Roberto Negro Sextet « Loving suite for birdy so », textes de Xavier Machault

Théâtre de l’Archipel, 8 octobre

Légère, fine, élégante, poétique, la musique du sextet de Roberto Négro sonne comme un quintet chambriste, piano et cordes accompagnant une soprano, rappelant des mélodies de Chabrier, Ravel ou Debussy, mêlées de riffs répétitifs à la Reich, tempos tournoyant, lancinants, cordes soyeuses, grinçantes, chansons nostalgiques entre humour et mystère surréaliste, formation magnifique créant un univers subtil, où se croisent bonheurs éphémères, amore dolorosa, grain de folie douce de musiciens en osmose, autour de cette suite drôlement amoureuse.


Brad Meldhau

Théâtre de l’Archipel, 10 octobre

Hors des codes de l’improvisation autour de la note bleue, égrenant comme des ritournelles, les flamboyant hymnes monolithiques du rock, Neil Young, Brian Wilson, Lennon / Mc Cartney, Pete Townshend, Meldhau déconstruit patiemment comme un mécano d’enfant, ces chansons mythiques aux mélodies entêtantes, plongeant avec une ferveur compulsive, dans de longues variations, donnant l’impression de voir deux mains libres de toutes contraintes, se frayant sans se perdre, un chemin connu d’elles seules, dans un labyrinthe de notes blanches et noires, guidées par un cerveau affamé d’aventures : très grand concert !


Donkey Monkey

Conservatoire régional, 13 octobre

Autant éclectique qu’espiègle, aussi joueur qu’imprévisible, le duo iconoclaste de l’âne et du singe, passe à la moulinette, contines enfantines sur tempos rock, dérapages free-jazz pimentés de folklores nippons, dissonances et puissants martellement rythmiques piano/batterie, caresses bruitistes cymbales /cordes préparées, unissons vocaux drolatiques du Donkey Monkey, alias Eve Risser et Yuko Oshima, bousculant sans complexes les codes musicaux transgenres, avec une science musicale véloce, burlesque, et une fraîcheur spontanée enthousiasmante.


ONJ Direction Olivier Benoit

Conservatoire régional, 13 octobre

Puissante rythmique aux accents d’un rock alternatif énergique, quartet socle, resserré autour de la guitare électrique de Benoit, clavier Rhodes hypnotisant de Brousseau, basse percutante et incisive de Daniel, batterie tellurique d’Echampard, propulsant une impressionnante machinerie de cuivres ardents, trombone, trompette, saxophones, clarinettes, de Fourneyron, Martinez, Grimal, Madiot, et Dousteyssier, paire contemporaine violon /piano de Ceccaldi /Agnel, l’ONJ impressionne, dès les premières notes, son compact, très grande cohésion de jeu.

Atmosphères de paysages industriels désolés, tempo lent tel un glas du piano métronome, faisant émerger les tentions paroxystiques du violon, souffle des vents porté par la pulsation de vagues rythmiques déferlantes, d’où émergent d’intenses solos, chant Kurt Weillien de la trompette, raucité vive du ténor, vélocité du trombone, alto lyrique, clarinette free-sonnante, l’Orchestre National de Jazz, dont l’appellation nationaliste ne ressemble en rien à la conception internationalement cosmopolite de la formation, aux titres affirmés, « l’effacement des traces », « révolution », « détournement », évoquant fraternellement les vibrations des capitales d’Europe, Paris, Berlin et bientôt Rome, fusionnant avec maestria, énergie rock, sophistication des thèmes, masse orchestrale radicalement contemporaine, dérapages free, chorus engagés, offre une musique fortement originale, balayant des sarcasmes jaloux, dans le microcosme d’un jazz conservateur.

Christian POUGET

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