Têtes de Jazz au gré des rencontres

visuel-T-2015Erick AVIER nous livre ses images et impressions de son immersion dans Têtes de Jazz #3, organisé par l'AJMI à la Manutention lors du Off du Festival d'Avignon 2015.

OZMA

Ce collectif de 3 musiciens (basse, guitare, batterie) se propose de connecter images et musique avec un photo concert sur la grande guerre dont on sait qu’elle fut le prélude à la barbarie d’un siècle qui accoucha de monstres à jet continu.
Le propos est glaçant mais très bien maitrisé car dépolitisé et déchargé d’images traumatisantes.
400 photographies réparties en 10 volets sont au service de la mémoire et mises en relief par l’accompagnement du trio.
L’intensité de la musique s’adapte au degré de force expressive de chacune des 10 thématiques retenues dont l’articulation n’entraine aucune rupture.
Les baisses de rythme sont rares, tout au plus affectent elles les séquences relatives au front arrière et à la propagande.


 

Après OZMA , changement radical d’ambiance avec le duo

AMBRE OZ et CHRISTOPHE JODET.

Les deux complices explorent l’univers de PURCELL.
Ce compositeur anglais, vénéré outre manche est (observe Christophe JODET) “apprécié des rockers pour son utilisation continue et répétitive de la basse” dont l’invention survint quelques années avant sa naissance (celle de PURCELL…soit entendu)
Il est donc plaisant de constater, à la lueur de cet avis autorisé, que des zones de convergence existent entre le rock et la musique dévotionnelle!
Silence absolu des spectateurs durant ce concert.
Le caractère sacré de la musique et l’extrême concentration des interprètes imposent une écoute sans failles.
Tout au plus fut elle perturbée durant quelques brefs instants par la mise au point des loopers qui permettent à l’instrumentiste de faire jouer les basses en boucle.

Un autre duo, mais sur un tout autre registre est lui composé de

RENETTE DESIR et FABIAN FIORINI

A travers des thèmes de DUKE ELLINGTON, NEIL YOUNG, MAX ROACH, CAETANO VELOSO notamment, le duo évoque les traditions musicales nées des liens tissés entre Afrique et Amérique à la suite de la traite des noirs.
La diction de Renette DESIR est très claire ainsi que sa voie qui distille l’émotion
Le chant sublimé par les textes de poètes haïtiens peut être tout à fait poignant, magnifiquement enveloppé par le piano, au jeu délibérément tourmenté et parfois puissamment rythmé.
AVEC “GUINEE”, le dernier titre au répertoire, les deux interprètes installent un climat oppressant.
La souffrance de l’exilé est palpable et son remède le vaudou en filigrane (cette observation n’étant bien entendu qu’une libre extrapolation!)


 

Nouveau changement de climat musical avec

LAURA PERRUDIN

Sirène au chant envoutant, LAURA, harpiste et chanteuse, a passé de nombreuses années à chercher à rendre la harpe compatible avec le jazz dont son enfance fut nourrie.
C’est en 2008 que la solution à ce problème lui apparut grâce à la conception avec le luthier PHILIPPE VOLANT d’une harpe chromatique à cordes alignées.
Depuis lors, des compositions personnelles sont nées et sur la musique se greffent des poèmes de SHAKESPEARE, YEATS, POE ou JOYCE transfigurés par la voie cristalline de leur interprète.
A la harpe, LAURA PERRUDIN développe un jeu rythmique ou mélodique en utilisant parfois celle ci comme instrument de percussion.


 

Autre proposition musicale, elle aussi très personnalisée avec

AUDITIVE CONNECTION

La musique du groupe écrite par le violoncelliste est basée sur le répertoire traditionnel turc ,la musique classique, le jazz et le rock qui deviennent autant de tremplins pour l’improvisation.
Dans ce collectif, les ambiances musicales s’élaborent à deux ,trois ou quatre ou cinq et le rôle précis d’un instrument peut être instantanément redéfini.
Les paysages sonores explosent et se recomposent, cela sur des textes de KEROUAC, BECKETT, notamment, interprétés en diverses langues par la très belle voie de JEANNE BARBIERI.


 

Passons maintenant à la

JEFF HERR CORPORATION

Composé d’un trio basse, batterie, saxophone, les morceaux de cet ensemble sont écrits par chacun des membres.
JEFF HERR, batteur très énergique et explosif impulse le rythme épaulé par le bassiste au jeu rond et plein.
La particularité de ce “combo” repose dans le fait que les structures traditionnelles sont abandonnées au profit d’une musique qui se nourrit d’écoutes croisées et des propositions
spontanées de chacun.
S’ensuivent des moments de musique très rythmés qui n’en laissent pas moins la place à d’autres dans lesquels le lyrisme de MAXIME BENDER trouve toute sa mesure.
Ce saxophoniste, très remarqué a un magnifique son chaud, velouté (JOSHUA REDMAN est sa référence)

Puis nous basculons dans la fusion avec le

WORD KORA TRIO

Cet orchestre est né de la rencontre d’un korafola virtuose et d’un violoniste électrique qui ne l’est pas moins, auxquels s’est ajouté un batteur, aujourd’hui DAVID MIRANDON
la musique produite par ce trio est une musique de métissage, très dansante dans laquelle la kora n’est pas greffée mais parfaitement intégrée au flux continu de musique qu’elle contribue très largement à irriguer.
Beaucoup de rythme, donc et des ruissellements de notes très agréables à l’oreille.


 

Fermeture du ban avec

JOURNAL INTIME + Le bal des FAUX FRÈRES

JOURNAL INTIME est un trio de cuivres qui développe un travail sur la musique de JIMY HENDRIX.
Ces 3 musiciens entrainent le spectateur dés les premières notes dans une sarabande festive.
Les cuivres débridés chauffent immédiatement la salle que l’arrivée de l’équipe des “FAUX FRERES” finit de faire exulter.
Avec cette intervention musclée, le groove est à son paroxysme et la tension à son sommet.
Les cuivres chauffés à blanc suintent la musique de fête, la musique de danse.
Les spectateurs sont debout, chaloupent et l’on sait maintenant que l’AJMI peut encaisser une secousse de magnitude 9 et que les fanfares des Balkans ont une vraie concurrence!
ouachhhhhhhhhhhhhhh!.


 

Le quartet de DOMINIQUE PIFARELY

Il n’apparait pas nécessaire de rappeler ici les carrières des membres de ce quartet. Ce sont des “monuments ” du jazz en FRANCE et même au delà de nos frontières.
La prestation du second soir (plus spécialement) emballa l’auditoire et DOMINIQUE PIFARELY y apparut en grande forme.
Quand l’on a l’impression que le temps a passé vite, c’est généralement parce que la musique a été fluide et sans baisse d’intensité ou de niveau de qualité, ce qui fut le cas.


 

Pour conclure, quelques mots et signaler que ce fut très intéressant d’assister à la prestation de ce quartet (et des autres ensembles) dans les conditions de proximité qu’offre l’AJMI.
Cette salle permet véritablement d’absorber la musique en offrant par ailleurs une vision immédiate de son exécution.
Avec les pieds a quelques centimètres des câbles et l’œil à moins de 2 mètres du micro et du musicien, on a véritablement le sentiment d’être inclus dans le processus qui se déroule devant soi.
C’est parfois difficile de s’arracher à ce lieu après un concert tant on peut y être imprégné par la musique.
Le slogan de l’association n’est donc pas surfait…

ajmiErick AVIER (textes et photos)

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