Je vous invite à retrouver le pianiste compositeur français Thierry Eliez qui, à travers un album intitulé « Emerson Enigma » sorti dernièrement sur le label Dood Music, rend un hommage appuyé et d’une grande originalité au fondateur du groupe Emerson Lake and Palmer, Keith Emerson.

Et s’il a choisi d’explorer la musique et l’œuvre de ce compositeur avant-gardiste, c’est avant tout, comme il le confie, pour rendre hommage à la curiosité qui a guidé sa carrière.

Car si l’on assiste ici à la concrétisation d’un travail qui bouleverse une fois de plus les codes, on comprend vite que le but d’une telle entreprise est avant tout de conserver la dimension des œuvres originales d’Emerson en y apportant une touche personnelle à partir de montages réalisés avec minutie et qui, une fois transcrits et orchestrés, donnent un résultat plus que surprenant.

Un disque un peu fou, en fait, que nous propose Thierry Eliez accompagné pour l’occasion de la vocaliste Ceilin Poggi et du Quatuor à cordes Manticore offrant par la même à l’auditeur un disque entièrement acoustique et d’une saveur particulière en reprenant plusieurs thèmes chers au claviériste de génie dont la magnifique suite « The Endless Enigma » ou encore « Tarkus » dont on retrouve les bases originales que le pianiste colore à sa façon…

Car Keith Emerson fut en quelque sorte un précurseur et sans doute le premier à trafiquer les sons et rompre les barrières pour mettre son talent au profit du rock, du classique et bien sûr du jazz.

« Emerson Enigma » traduit bien la complexité d’un personnage dont la musique colorée, énergique se retrouve ici dans le projet que porte Thierry Eliez.

En poursuivant de cette manière quarante ans d’explorations improvisées, ce dernier nous livre avec la maîtrise qui le caractérise, l’adaptation d’une œuvre dont il conserve le côté surréaliste, n’oubliant pas au passage qu’il s’agit, au départ, de chansons.

On retrouve ainsi le pianiste virtuose, dont la réputation n’est plus à faire, qui nous persuade ici que la musique se doit d’être aussi élégante que puissante.

Ce qu’il met en pratique au piano mais en assurant également le chant de manière chaleureuse seul ou en duo faisant ainsi revivre avec un  certain lyrisme l’oeuvre énigmatique de Keith Emerson.

Revisiter la musique de celui qui aura séduit la jeunesse d’une époque en vendant plus de 49 millions d’albums était un défi qu’Eliez semble avoir relevé avec bonheur.

Lui qui fut, dès son plus jeune âge, frappé de plein fouet par cette révolution musicale s’est sans doute inspiré tout au long d’une carrière loin d’être terminée, de celui qui vouait une passion absolue à l’improvisation et au jazz.

Un enregistrement remarquable qui devrait faire date dans la discographie de Thierry Eliez, un musicien arrangeur hétéroclite et passionné….

Laurent BONNEFOY / Radio 16