[2 pour 3 Palis] consiste à vous faire découvrir le festival de Trois Palis sous deux angles singuliers et complémentaires. Roger Bertrand et Philippe Alen en proposent chacun leur version avec l'illustre concours de Jean-Yves Molinari.
Quand on vient de dépasser les septante cinq ans, on pète pas toujours la forme, ce qui est parfois mon cas. Mais parfois il m’arrive de soulever des montagnes, enfin des petits tertres. Pourquoi je vous raconte ma vie (vous vous en tapez et je le comprend) et ben parce que j’étais ce week-end à Trois Palis, mais par intermittence (du spectacle).
J’ai donc zappé, une bonne partie des concerts, Alain Blesing trio par exemple, ce délicat guitariste que j’ai vu précédemment à maintes reprises sur les routes de l’Hexagone et que je considère comme un de nos plus important représentant de la six cordes .Julia Robin, pas vu mais j’en ai entendu causer (comme disait feu Cavanna, mon maître) et en bien, je vous rassure. Et Pierre Perchaud dans l’église, comme Julia avant lui, en solo absolu, je regrette donc de ne pas avoir été là et de ne pas avoir reçu l’absolution dans cette maison de Dieu que je fréquente (pas cette année donc) une fois par an à Trois Palis. Bon, Perchaud, donc je l’ai aperçu en culotte courte il y à un siècle dans le bistrot épicerie de son père Roger à Challignac et quelques années plus tard il est devenu le grand guitariste que l’on connaît au sein de multiples formations, jamais la même chose, merci pour nos oreilles avides .
Alors donc qu’est ce que j’ai vu et entendu ?
Dans l’ordre: samedi soir, Catherine Delaunay (clarinette) et Tony Hymas (piano) «No Borders» sans limites , pas de frontières on peut traduire ça comme ça , ou à peut près, c’est vrai que dans la musique dite improvisée les frontières restes ouvertes, mais là c’était quand même hyper carré, pas un poil ne dépassait, certains que je ne nommerais pas l’on déploré, mais moi je vais vous dire que ça m’a scotché à mon siège, cette perfection, cette osmose, cette communion (on était plus à l’église pourtant), bon sang de bois comment peut-on dire quoi que ce soit de négatif de ce genre de prestation quand c’est fait avec autant de professionnalisme ( je sais c’est un vilain mot, je m’en excuse) Et puis, la cerise sur le baba au rhum, c’est le charisme de Catherine, qui m’avait, moi, déjà fait fondre l’an dernier au sein de la formation de Jacky Mollard, Corneloup, Courtois … mon choc de cette année et je ne m’en suis pas remis .
Samedi soir toujours, feu d’artifice de fin de soirée, Christiane Bopp, Sophia Domancich, Denis Charolles «les jours rallongent» ça commencent par un mensonge, on est bien d’accord, en septembre les jours ont tendances à raccourcir, bon on va leur pardonner, car on à assisté une fois de plus à un concert d’exception. Christiane Bopp oh my God, moi elle m’a foutu les poils (pas au menton j’en ai déjà), qu’elle technique époustouflante, quel son, elle n’a rien à envier aux grands Mangelsdorff, Roswell Rudd, Ray Anderson j’en passe car nettement moins bons. Elle nous a sortie une espèce de son à un moment donné, à la Sainkho Namchylak (tapez ce nom sur le net, vous allez pleurer). A ses côtés l’immense Sophia Domancich, dont j’ai à de multiples reprises encensé le talent, mais je vais ici me répéter. Il y à deux disques de trio piano, contrebasse batterie qui m’ont fait monter au rideau à leur parution, ce sont Now he sings now he sobs de Chick Corea /Miroslav Vitous/ Roy Haynes (que Keith Jarrett à dézingué à l’époque, voir un des dernier Jazzmag) et Rêve de Singe du trio Domancich/Paul Rogers/Tony Levin (pour la petite histoire, le disquaire de Poitiers du “Monde de la Musique” en a vendu plus de deux cent en une semaine en le passant en boucle dans sa boutique). Sophia donc, ce soir là, pas de mauvaise surprise, toujours le son Sofia Domancich, comme il y a un son Tyner, un son Jarrett (on lui pardonne , vous êtes d’accord) un son Ellington, un son Delbeck, un son Freboeuf, on ne va pas oublier quand même un de nos meilleur compatriote (charentais). Attendez, il y a un troisième larron dans cette histoire, l’inoubliable Denis Charolles qui non content d’être un immense percussionniste, nous à bien fait fendre la poire au sein de la Compagnie des Musiques à Ouïr, entre autres.
Dimanche soir, un musicien grand par la taille mais surtout par le talent, François Corneloup en solo absolu (pléonasme) on ne le présente plus, mais je vais le faire pour ceux qui ne le connaisse pas. Corneloup, hante ( j’aime bien ce genre de fantôme) la planète Jazz et la planète tout court depuis des lustres. Rencontré, du temps ou j’avais encore des cheveux ( il m’en reste encore un peu ) à Uzeste, au siècle dernier, fût un des piliers du lieu, avec toute la bande de zigomars autour de Bernard Lubat et de sa compagnie de joyeux larrons ( Auzier , Letheule , remenber him, un mastodonte inoubliable de drôlerie ) Sclavis, Portal, Di Donato, Jeanneau, Ruffus … j’en oublie et pas des moins bons . Corneloup, donc, je ne sais plus en quelle année, peut-être avant le phyloxera (non je déconne, vous êtes habitués) en solo toujours absolu qui nous à trimballé dans un champ aux hautes herbes au milieu des serpents et des aoûtas (normal on était fin aout) Il faisait hyper beau, comme en ce moment mais personne ne faisait la gueule et au milieu coulait non pas une rivière, mais un superbe son échappé d’un saxophone baryton dans lequel s’époumonait un jeune homme (et oui nous étions tous jeunes à l’époque) nommé François Corneloup, drôle de nom pour une rencontre, mais quelle rencontre !
De l’eau est passée sous les ponts depuis ce jour (voir ci dessus). Dimanche soir donc en première partie, François Corneloup, vous avez deviné, bon mais moi je ne vais pas, c’est pas mon style, vous décortiquer techniquement cette prestation, il y avait quelques spécialistes dans la salles, je les ai repérés en train de noircir du papier, qui le font mieux que moi et avec beaucoup de talent.
J’avais Didier Freboeuf à mes côtés, ça faisait quatre oreilles, pavillons en avant, qui n’en perdait pas une miette, à un moment donné, j’ai demandé à Didier, “qui c’est le batteur en coulisse avec Corneloup” (ça l’a pas fait marrer, il m’a fait “chut”) J’en a discuté entre nous après le concert, avec des amis (mais comment savoir si on a des amis comme disait Roland Topor) et on était d’accord sur la chose suivante “c’est pas possible ils sont plusieurs”. Voilà j’ai tout dit. Ah! J’allais oublier (j’ai avec l’age quelques neurones qui se sont fait la malle) Corneloup devait jouer sur des textes de Anne Alvaro cette immense actrice de théâtre et de cinéma à la voix d’or (absente, car souffrante). Une amie qui ne va pas particulièrement au concert de jazz, était venue spécialement pour elle car elle la suit depuis très longtemps surtout au théâtre (Avignon etc…) Et ben mon vieux , tu vas pas le croire, non seulement elle a aimée Corneloup, mais surtout le concert dont je vais vous parler, de suite .
On fait les choses en grand à Trois Palis, souvenez vous samedi soir il y a eu en fin de soirée un superbe feu d’artifice avec la formation de Christiane Bopp , rebelote pour cette soirée de clôture grâce à une formation présentée sous le titre générique de “La Litanie des Cimes”, rien que le titre ça fait rêver, mais la musique de cette formation risque de nous faire rêver encore longtemps.
Clement Janinet, violon, Bruno Ducret, violoncelle, et Elodie Pasquier, clarinettes. j’en ai encore le souffle coupé, voir la voix car je n’arrive pas à exprimer par écrit ce que j’ai ressenti (je compte sur toi, Philippe Alen ). Un petit regret cependant, pas assez entendu , je parle au niveau puissance du son, Elodie Pasquier, laquelle souvenez vous il y a deux ans (trois ?) avait fait trembler les piliers de l’église lors d’une incroyable prestation solo .
Les gens qui n’étaient pas à Trois Palis, par exemple pour cause de pêche, de chasse, de la communion du fiston, d’un match de foot, du circuit des remparts … Et bien, ils ont bien fait, on était pas trop les uns sur les autres, mais il restait encore quelques places, alors pour l’année prochaine, faut pas hésiter, ça doit être rempli !
Roger Bertrand Vanderbeken, texte
Jean-Yves Molinari, photos