Un premier CD en trio (Fred Frith, Jason Hoopes, Jordan Glenn) où se rallument quelque peu les braises de Massacre. Et où se pointent rythmes mordants, bruitisme et ambiances obsessionnelles. C’est le batteur qui conditionne le plus souvent les débats de cette suite en sept parties, c’est lui qui pose sa robuste rythmique sur laquelle Frith et Hoopes vont faire acte d’imaginations. Et de l’imagination, nos amis n’en manquent pas : multipliant les sources sonores, le guitariste ambitionne de rugueux solos ou attise des climats envoutants. Métaux chauffés à vifs ou suspensions hypnotiques, le trio évacue rapidement la violence sonique préférant s’abandonner à la recherche, l’expérimentation, l’improvisation. Il ne faudra donc pas s’étonner de trouver ici quelques doux et spacieux arpèges de guitare associés à des plages de fortes inquiétudes. Ainsi en était-il le 18 octobre 2019 dans le cadre du Week-End Fest de Köln.
Capté à Charlottesville et à Ebersberg, le trio sera rejoint par Susana Santos Silva en Virginie et par Lotte Anker en Allemagne. La portugaise adepte d’un salivaire marqué plane au dessus d’un trio au fourmillement soutenu. Tantôt drivés par la guitare acide de Fred, tantôt aiguillés par la trompette farouche de Susana, bassiste et batteur n’abandonnent jamais leur périple bruitiste, la cassure brutale étant plutôt à la charge du guitariste. Pas de zapping sauvage ici pas plus que de sage continuum mais des imbrications soudaines, des changements de décor sans le souci de l’enchâssement. Mais toujours avec élégance et à propos.
La saxophoniste, à la présence magnétisante, profite du surgissement d’une suite harmonique et déverse un chant ferme, puis, dans un cadre plus introspectif anime de rauques harmoniques. Certes, le récit est instable et pour tous, la chute est possible mais c’est en ne fiant qu’à eux-mêmes et à leur improvisation singulière (pas de tensions-détentes ici) que toutes et tous feront de ce second CD un objet des plus captivants.
Luc BOUQUET