John COLTRANE « A Love Supreme / Live in Seattle »

« A Love Supreme / Live in Seattle »

John COLTRANE

Impulse / Universal

Ainsi donc, on nous avait (encore) menti : il existait une autre version live de Love Supreme. Le consciencieux jazzcritic que je suis (parfois) et le grand coltranophile que je reste (toujours !) ne pouvait en être surpris ayant déjà collecté d’autres versions live (certes incomplètes) de la suite suprême. Une version live de Resolution, captée en club début 1964 soit dix mois avant l’enregistrement studio, par exemple, pose problème quant à la genèse officielle de Love Supreme. Concernant cette nouvelle version en date du 2 octobre 1965 au sein du Penthouse de Seattle la petite histoire retiendra que c’est le saxophoniste Steve Griggs qui retrouva les bandes de ce concert enregistré par le saxophoniste-flûtiste Joe Brazil. Deux micros (l’un pour les souffleurs, l’autre à proximité du piano) suffirent pour témoigner de l’événement. Ce que l’on ne dit pas c’est que la veille fut enregistré à Lynwood avec le même casting + Joe Brazil (John Coltrane, McCoy Tyner, Jimmy Garrison, Elvin Jones, Pharoah Sanders, Carlos Ward, Donald Rafael Garrett) l’édifiant OM, médaille d’or du disque le plus radical du saxophoniste et enregistré sous forte influence de LSD et autres drogues psychédéliques. Ceci expliquant peut-être les errements et flottements de l’enregistrement du lendemain, les effets de la drogue n’ayant sans doute pas totalement quitté les organismes des musiciens.

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Le duo des contrebassistes (arco + pizz) et la scansion latine d’Elvin ouvrent Acknowledgement. S’ensuivent les solos de Trane et de Sanders puis à nouveau Trane avant que ne résonne le célèbre leitmotiv psalmodié. Un premier interlude à la charge des deux contrebassistes introduit Resolution. Et avec Resolution s’effacent les doutes et errements : la formation a désormais trouvé son rythme de croisière. Le thème rapidement exposé, l’altiste Carlos Ward déroule un chorus où s’échappent de larges strangulations en aigu majeur. Tout autant allumé sera le chorus de Trane, malheureusement voilé par le drumming redoutable de l’ami Elvin, lequel s’offre alors un tonitruant solo de plus de six minutes.

Deux solos émergent de Pursuance. Le premier est l’œuvre de Pharoah Sanders. C’est le Sanders des harmoniques rauques, des grognements et autres convulsions ultimes. C’est le cri frère de Trane, ce cri qu’abandonnera Pharoah à la mort de son ami. Celui de McCoy Tyner nous ramène en terrain connu (et conquis !) : modalité prolixe et soutenue et drumming presque assagi (du moins dans un premier temps) d’Elvin Jones.

Les interludes 3 & 4 sont à la seule charge de Jimmy Garrison. Le tout se termine naturellement avec le déchirant Psalm, interprété sereinement et intensément par le grand Coltrane. Ainsi s’achève cette « new suite ». D’autres nous attendent, n’en doutons plus.

Luc BOUQUET

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