« Nouvelle Vague » : quel joli duo de mots qui évoque la fraîcheur, les espoirs nouveaux, la liberté retrouvée et la reconquête d’espaces oubliés. Dans l’effervescence artistique de la fin des années 50, le cinéma avait trouvé son nouveau souffle et sa bande sonore s’acoquinait avec le jazz. Les ponts entre les deux arts étaient nombreux, à commencer par le vent de liberté qui balayait l’un et l’autre. Godard disait que la musique était sa petite Antigone qui l’aidait à voir l’incroyable, et les images d’Ascenseur pour l’échafaud aidaient Miles Davis à entendre la musique qu’il allait faire pour le film. Et Godard continuait : « Il me semble que l’on peut entendre les images et voir la musique ».
Superbe idée de Stéphane Kérécki d’avoir choisi une thématique qui a réuni deux courants artistiques majeurs du XXème siècle. Le répertoire est là, et quel répertoire ! Signé Georges Delerue, Michel Legrand, Jean Constantin, Paul Misraki, Bernard Herrmann, Martial Solal. A aucun moment Kerecki ne trahit les thèmes musicaux qui deviennent des tremplins pour improviser. Il joue ces musiques de film sans fioritures, avec simplicité et en les laissant dans leur état naturel. En vrai jazzman, il s’en inspire en les débarrassant de leurs atours orchestraux parfois datés et en ramenant les compositions à leur état de thème qu’il se propose de réarranger.
En bon metteur en scène, Stéphane Kérécki s’est assuré un casting parfait. Sa contrebasse sait trouver les complicités qu’il faut à ce genre de projet avec la batterie subtile de Fabrice Moreau qui nous rappelle par moment le jeu inventif de Paul Motian. Le piano est tenu par un vieux complice du bassiste puisque c’est John Taylor qui amène toute sa science discrète de l’harmonie à cette entreprise délicate. Quant à Emile Parisien, le style souvent très expressionniste de son saxophone soprano fait place ici à une suavité touchante qu’il cache trop souvent en d’autres circonstances musicales. Enfin, la voix troublante de Jeanne Added épure deux chansons avec délice.
Impossible de rater le disque, la jaquette montrant Jean-Paul Belmondo alias Pierrot le Fou nu dans sa baignoire sous le canon d’un pistolet qui lui rappelle sa destinée, et impossible d’oublier la chanson de Rezvani : Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerais toujours .
Philippe VINCENT
Talents Adami Jazz // Stéphane Kerecki // Clip "Pierrot le fou" from Adami on Vimeo.