Pour une fois nous n’allons pas vous parler de jazz mais de musiques du monde. Ou plutôt de « musiciennes du monde » tant les sœurs Caronni symbolisent cette globalisation qui caractérise la musique aujourd’hui. Le monde, elles le connaissaient déjà avant de naître tant la diversité de leurs origines avait pris source aux quatre coins du globe : leur Argentine natale, bien sûr, mais aussi l’Italie, la Suisse, la Russie … Devenues professionnelles, elles iront voir ce monde de près avec leur instrument, du Brésil à l’Europe et de l’Afrique à l’Océan Indien, avant de poser leurs valises à Bordeaux où elles vivent aujourd’hui.
Las Hermanas Caronni sont nées à dix minutes d’intervalle à Rosario, deuxième ville d’Argentine d’où était également originaire Che Guevara. Initiées très tôt à la musique classique, Laura choisira le violoncelle et Gianna la clarinette, deux instruments qui les mèneront jusqu’à l’Orchestre de l’Opéra de Buenos Aires. De la musique de la Renaissance au répertoire contemporain, de la musique de chambre aux orchestres symphoniques, elles acquièrent une solide formation classique qu’elles complèteront en France au C.N.R. de Lyon. Mais, comme beaucoup d’instrumentistes, elles vont s’éloigner de l’univers du classique et de ses rigidités pour jouer leur musique, écrire leurs chansons, et en adapter d’autres.
C’est en 2004 qu’elles créent leur duo mais c’est avec leur premier disque paru en 2011 (« Baguala de la Siesta » suivi deux ans plus tard de « Vuela ») qu’elles vont vraiment se faire connaître du public français, Didier Varrod en faisant le disque de la semaine sur France Inter, puis un disque de l’année sur la même radio. A l’écoute des deux sœurs jumelles, on est de suite frappé par la fraîcheur de leurs compositions et par la liberté qu’elles se donnent pour aborder des genres musicaux venant des quatre coins de la planète. Elles affranchissent le tango de son carcan rythmique, mettent en valeur la nostalgie de la milonga, vont chercher chez Brassens toute la musique que le chanteur avait caché derrière ses mots, et elles osent mélanger l’héritage musical cubain au Boléro de Maurice Ravel. Le tout en gardant un parfum de leur Argentine natale qui cimente leurs excursions musicales tous azimuts.
Entre le moelleux de la clarinette de Gianna et le violoncelle dont Laura utilise toutes les possibilités rythmiques, harmoniques et mélodiques, Las Hermanas Caronni ignorent superbement les frontières stylistiques pour nous emmener au pays merveilleux de la musique éternelle.
Philippe VINCENT