A une époque où le jazz se fait multiple, quitte, parfois, à diluer son identité, on a plaisir à voir que de jeunes musiciens continuent de se référer aux sources d’une musique maintenant centenaire. C’est le cas de Guillaume Nouaux, même si ce natif d’Arcachon n’est pas vraiment à classer chez les jeunes musiciens maintenant qu’il a atteint la quarantaine. Depuis des années on avait vu apparaître son nom sur des disques de certains de ses collègues qui entretiennent eux aussi la flamme du jazz dit “classique” comme Patrick Artero, Michel Pastre, Jerôme Etcheberry ou le Big Band 31. Devenu un vrai styliste de la batterie swing et new-orleans, Nouaux avait d’ailleurs été primé par l’Académie du Jazz en 2011, année où il avait enregistré son “New Orleans Trio”, formation sans contrebasse. L’an dernier il continua à ignorer superbement la grand’mère à quatre cordes dans son excellent album “The Clarinet Kings” et voilà qu’il réédite l’opération avec ce « Stride Piano Kings » où il joue en duo avec sept pianistes spécialistes du genre. On ne va pas tous les nommer ici (voir la rubrique Avis de Sorties) mais on ne peut passer sous silence la présence du maître actuel du genre Rossano Sportiello, de notre spécialiste national Louis Mazetier qui a laissé pour quelque temps son cabinet de radiologie à la clinique du Louvre, et d’Alain Barrabes que nous avions connu dans une vie antérieure lorsqu’il était disquaire à Bordeaux.
Le titre n’est donc pas usurpé et l’album est particulièrement bien construit, chaque pianiste ayant deux morceaux pour s’exprimer sur un répertoire certes typé (James P. Johnson, Fats Waller) mais qui s’attarde aussi sur des morceaux un peu plus tardifs. A ce propos, l’enchaînement de Cherokee (dont la grille servira à Charlie Parker pour faire Ko-Ko) avec Salt Peanuts (construit sur la structure harmonique de I Got Rhythm) est un régal. La variété du répertoire et des intervenants préserve donc l’auditeur de toute monotonie et le son actuel de l’enregistrement met parfaitement en évidence le jeu de Guillaume Nouaux (particulièrement aux balais) sans jamais que la présence de la batterie ne soit excessive lorsqu’il prend les baguettes. Ceux qui n’auraient pas encore compris que le rythme fut l’un des fondamentaux du jazz dès sa naissance trouveront là une leçon magistrale. Et bien sûr c’est gai, joyeux, dansant. Alors, si vous aimez le piano stride, foncez ! Et si vous ne le connaissez pas, découvrez-le !
Philippe Vincent